Tuesday, 13 October 2015

Manger gras pour maigrir?


C'est la promesse que fait Zana Morris, nutritionniste et coach sportive, dont le régime fait les choux gras (ahah) de la presse minceur depuis le printemps 2015.

Ma première réaction fut de me dire que, tiens, enfin un régime  qui n’est pas un régime à exclusion, un régime « sans » comme je les appelle. Un régime « avec » donc.

Sauf qu’en creusant un peu, le régime « gras » sous ses airs permissif, est en fait truffé d’interdits.

En quoi consiste-t-il ?

Il se déroule en 2 phases d’une durée totale de 14 jours, suivie ou non d’une troisième phase pour ceux qui souhaitent prolonger leur amaigrissement.

- une phase prétoxde 4 jours, qui consiste à préparer l’organisme à la consommation importante de gras. C’est donc une phase de transition pendant laquelle on diminue sa consommation de glucides et de protéines et on augmente la consommation de lipides. 
En pratique : haro sur les poissons gras, les oléagineux (noix, noisettes, amandes, pignons …), les avocats, les huiles et le beurre et dans une moindre mesure la crème fraîche et les fromages les plus gras, et on modère le plus possible les féculents, pain, produits sucrés et fruits.

- une phase Blitzde 10 jours : pendant laquelle on consomme quasi exclusivement des aliments lipidiques. Les aliments permis se résument à 2 groupes : les graisses (huiles, beurre, crème fraîche, fromage crémeux les plus gras) et les oléagineux (avocat, noix, pignons, noix de macadamia, graines de courges …). On peut s’octroyer des viandes et des poissons gras en petite quantité et quelques légumes les moins sucrés pour leur apport en fibres (laitue, cresson, épinards, haricots verts, concombre…).

En bref : on banni totalement le pain, les céréales, les féculents, les légumes sucrés, les fruits et bien entendu tous les aliments un tant soit peu sucrés.
- pour ceux qui souhaitent continuer à perdre du poids au delà de ces 14 jours, il faut réintroduire à raison de 2 fois par semaine (seulement) une petite portion des féculents à Index glycémique les plus bas, et quelques fruits les moins sucrés. Il est préférable, même ainsi, de prendre une supplémentation vitaminique.

Ses promesses :

Une perte de 5 kg en 14 jours !

Pour résumer :

A défaut d’un régime « avec » gras, ce régime est surtout un énième régime « sans » glucides.
Avec, à nouveau, la diabolisation des glucides, méchant nutriment qui provoque des montées d’Insuline, hormones qui serait à l’origine de tous les problèmes de poids.
Si le cheminement se tient (en supprimant totalement les glucides, l’insuline n’est que très peu secrétée par l’organisme, qui privé de son carburant le plus accessible se rabat sur les graisses), nous allons voir qu’en pratique l’amaigrissement est en fait surtout lié à une diminution du niveau calorique de l’alimentation.

Pour vous faire une idée, voici une journée type de la phase Blitz :

Petit-déjeuner : un œuf entier et le jaune d’un second œuf, pochés ou brouillés, mélangés à 15g de beurre. Servir avec un petit avocat. 
Déjeuner : 80 à 100g de saumon frais. En salade : 2 poignées de cresson, un demi-avocat saupoudré de 20 à 40g de pignons de pin.
Dîner : 140 à 200 g de bœuf sauté à la poêle dans un peu de beurre, avec du piment ou du poivre de Cayenne. Servir avec de la laitue et du guacamole.

Au-delà du fait que ce menu semble à peu près aussi digeste que de manger une plaquette de beurre à la petite cuillère, essayons de calculer le niveau énergétique de cette journée.

Le petit déjeuner, si tant est qu’on ne soit pas écœuré après deux bouchées, est le repas le plus calorique de la journée avec 647 calories.
Le déjeuner n’apporte quant à lui que 536 calories, et le dîner, tout juste 440 calories.
 Avec un total de 1630 calories sur la journée, sachant qu’un des points d’orgue de cette méthode d’amaigrissement est de manger quand on a faim et de s’arrêter quand on a plus faim (ou quand on est écœuré donc, ce qui doit en pratique arriver assez rapidement). (Dommage qu’ils ne se soient pas cantonnés à cet unique conseil plein de bon sens !)

Donc, 1600 calories maximum par jour, sachant que la femme lambda brûle entre 1800 et 2200 calories par jour, suffisent pour amorcer un amaigrissement. La perte de poids provoquée par ce régime serait-elle donc essentiellement liée à la diminution calorique qu’impliquent ces contraintes et ces exclusions ?

Les risques :

Hormis le fait que ce régime est tout à fait déséquilibré et carencé (en vitamines, minéraux et glucides), il a quand même comme inconvénient majeur, qu’il est très difficilement compatible avec nos habitudes alimentaires.
Le pays de la baguette et des pommes de terre.
Et puis, entre nous, le gras c’est bon quand c’est associé à des glucides non ? Du fromage ou du foie gras sans pain ? Et quid des pâtisseries, viennoiseries, du chocolat, des tartes salées … ?

Tout autant de tentations qu’il va être difficile de supprimer sur le long terme. Or, le problème de ce type de régime, basé sur l’exclusion des glucides (pour maintenir une glycémie basse et éviter la décharge d’insuline) est que le moindre écart peut anéantir des jours d’efforts.
L’organisme va se jeter sur les pauvres glucides ingurgités impulsivement, et l’insuline, trop contente de pouvoir enfin être utile, va être libérée en salves et s’empresser de stocker les graisses (absorbées en grand nombre) qui ne demandaient qu’à l’être.

Autre inconvénient (et de taille) :
Ce régime implique une vigilance à vie : les féculents et le pain ne doivent être consommés que deux fois par semaine, de même que les fruits sucrés. L’histoire ne dit pas clairement si les sucreries doivent être à jamais bannies …


Tout ça pour arriver à mon éternelle conclusion : plus un régime est strict/contraignant/fantaisiste et provoque un amaigrissement rapide, plus sa stabilisation est compliquée et les risques de reprise rapide sont importants. Inversement, un amaigrissement progressif, sans rupture avec nos habitudes alimentaires, qui ne génère ni faim ni frustration, a toutes les chances d’être définitif.   A bon entendeur 

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