Tuesday, 29 September 2015

Mauvais le lait?



Pas une journée ne se passe sans que je reçoive une personne qui souhaite supprimer le lait de vache  de son alimentation. Les raisons invoquées : le lait de vache (et tous ses dérivés : fromage, yaourt…) serait  toxique, voire un véritable poison pour l’homme.  


Vous commencez à le savoir : je ne suis pro-rien, mais surtout anti-rien ! Aussi j’ai toujours un peu de mal avec les effets de masse consistant à montrer du doigt un aliment et le clouer au pilori.
Outre le fait que c’est « un peu facile » de désigner un coupable à tous nos maux inexpliqués, c’est surtout rarement justifié et souvent dommageable, surtout lorsque il s’agit d’un groupe d’aliments aussi répandu et intéressant sur le plan nutritionnel que les produits laitiers.


Le fait est que la machine est en route et que de plus en plus nombreux sont les adeptes du « sans lait de vache ».

Je vais donc essayer de démêler le vrai du faux et regarder les conséquences sur la santé de la suppression des produits laitiers dans notre alimentation.

Le lait de vache, uniquement pour les veaux ?

Ce qu’on dit : la vache ne produirait du lait que pour nourrir son petit jusqu’à la période de sevrage. De même chèvre, la brebis, et tous les autres mammifères de taille plus modeste seraient incriminés dans une moindre mesure, car leur corpulence serait plus proche de celle de l’homme et leur consommation moins aberrante.
Par extrapolation, le seul lait que l’homme serait susceptible de tolérer serait le lait maternel durant les premiers mois de sa vie et que par conséquent, le lait de vache serait à l’origine de divers problèmes de santé : migraines, asthme, allergies, intoxication à l’acide lactique, diabète, sclérose en plaque, rhumatismes, cancers et bien d’autres encore.

Ce que j’en pense : il faut d’abord souligner que contrairement à la vache, l’homme est un omnivore et non pas un herbivore et que son organisme est adapté pour digérer et métaboliser d’une part des aliments d’origine animale (dont le lait) et d’autre part des aliments d’origine végétale. La théorie du lait de vache exclusivement destinée au veau n’est donc pas très aboutie.

Toutes les accusations ci-dessus ne sont basées sur aucune étude scientifique réelle et probante, et les organismes de santé, comme l’OMS (Organisme Mondiale de la Santé), l’ancienne AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments), l’Agence Nationale de sécurité Sanitaire, n’ont jamais publié d’études incriminant les produits laitiers, et au contraire, continuent de préconiser leur consommation régulière pour un apport suffisant en calcium.
J’entends d’ici les plus virulents dire que ces organismes de santé sont financés par l’industrie du lait : je dirais juste qu’il n’est pas illogique que l’industrie du lait finance des études scientifiques sur les effets du lait sur la santé (ils prêchent pour leur paroisse !), mais de là à dire que les organismes de santé falsifient les résultats, c’est autre chose.  D’une manière générale, je ne suis pas bonne cliente des théories complotistes

Le lait favorise le cancer ?

Pour ses détracteurs, le lait de vache serait incriminé dans certains cancers, notamment de la prostate et du sein. Mais plusieurs études montrent tout et son contraire : si certaines mettent en évidence une incidence de la consommation du lait sur la fréquence de ces cancers, d’autres leur trouvent au contraire un effet protecteur !

Ce qu’en pensent les instituts de santé : en attendant des résultats plus probants, le Ministère de la santé, l'institut de veille sanitaire et le conservatoire national des Arts et métiers ont publié un article « Alimentation, nutrition et cancer : *vérités, hypothèses et fausses rumeurs », dans lequel on peut lire à propos des accusations sur le lait responsable de cancers :

« Cette idée fausse véhiculée par quelques gourous pseudo scientifiques est particulièrement importante à battre en brèche, compte tenu du fait qu'elle peut amener certains consommateurs à abandonner la prise de ces sources majeures de calcium, nutriment essentiel intervenant, entre autres, dans la minéralisation osseuse. On ne peut en aucun cas mettre en accusation le lait et les produits laitiers en terme de risque de cancer. A l'inverse, on recommande de consommer trois produits laitiers par jour ! ».

Le lait responsable des maladies cardio-vasculaires ?

Certes, le lait entier, le fromage et les laitages gras sont riches en acides gras saturés qui sont les « mauvaises graisses » incriminées dans les maladies cardio-vasculaires.

Certes, mais pour limiter le risque de maladies cardio-vasculaires, il faut avant tout limiter la consommation de charcuteries, viandes grasses, plats en sauce, fritures, matière grasse (notamment beurre et crème fraîche), biscuits et desserts gras.

Bien entendu, il faut également limiter (sans supprimer) la consommation de produits laitiers gras : fromage, lait entier, yaourt enrichi à la crème (type Fjord), fromage blanc gras (40 % MG sur extrait sec), chantilly…
Mais les produits laitiers demi-écrémés sont de très bons compromis. Ils sont aussi riches en calcium et en protéines mais moins gras.

L’allergie  aux protéines du lait de vache ?

L’allergie aux protéines de lait de vache existe, mais elle ne concernerait environ que 3% des enfants de moins de 1 an, et disparaîtrait vers 4 ou 5 ans. Le traitement est alors sans appel et consiste en une exclusion totale des produits à base de lait de vache, qui peuvent par contre être remplacés par d’autres laits animaux (chèvre, brebis …).

L’intolérance au lactose du lait ?

L’intolérance au lactose est, pour le coup, bien réelle et relativement fréquente. Elle a pour origine une déficience en lactase (enzyme de digestion du lactose), le lactose étant le sucre contenu dans les produits laitiers.

L’Europe est le principal continent où les adultes digèrent le lactose, et les intolérants au lactose en Europe sont essentiellement les immigrés et leurs descendants.
En effet, 80 à 100 % des habitants d’Afrique du sud, d’Asie et d’Amérique latine sont intolérants.

Les symptômes apparaissent environ 30 minutes après l’absorption et se traduisent par des troubles digestifs  (diarrhées, douleurs, crampes abdominales …).

Que faire si vous êtes intolérants ? : vous pouvez opter pour le yaourt, le fromage blanc et le fromage qui sont partiellement, voire totalement dépourvus de lactose.
En effet, le lactose présent dans le lait, est en grande partie transformé en acide lactique dans le yaourt et en caséine dans le fromage blanc et il n’y en a plus du tout dans le fromage qui est donc parfaitement bien toléré.

Notez par ailleurs, que le lactose du lait est bien mieux digéré quand ce dernier est consommé avec des céréales (gâteau de semoule, riz au lait, entremets…).

Par ailleurs, suite à cette vague d’ « anti-lactose », quasiment toutes les marques de lait proposent un lait « délactosé », comme le Matin Léger de Lactel.

Faut-il choisir du lait et des produits laitiers bio ?

Le lait bio (et les produits laitiers qui en découlent) provient du mammifère nourri avec des herbes sans pesticides, vivant dans des conditions privilégiées et n’ayant pas de traitements antibiotiques, voire hormonaux, ce qui semble tout bénéfices ! Je relativise pour ce dernier point (traitements antibiotiques et hormonaux), la législation française est très vigilante sur la qualité du lait (même pour le lait non bio produit en France). 

Malgré tout, vous ne souhaitez pas consommer de produits laitiers ?

L’intérêt nutritionnel des produits laitiers réside surtout dans leur richesse en calcium mais aussi en vitamines A et D. S'il est possible de se passer des produits laitiers en compensant leurs apports nutritionnels, ce n'est pas si simple que l'on voudrait nous faire croire.

- Compenser le calcium des produits laitiers : le besoin journalier se situe entre 900 et 1200 mg. Vous pouvez couvrir ce besoin en buvant 1,5 litre d’eau minérale riche en calcium (Hépar® ou Contrex®). Les bémol : la biodisponibilité du calcium des eaux minérales n'est pas établie, et la consommation journalière d'eau calcique a un coût et une logistique!
Vous pouvez également avoir recours au lait végétaux (riz, amande, avoine, épeautre …), en gardant bien à l’esprit qu’ils sont naturellement très pauvres en calcium et qu’il faut donc les choisir « enrichis en calcium » (ce qui est de plus en plus fréquemment le cas). Cette solution reste approximative pour moi, dans la mesure où consommer des aliments "enrichis" en calcium me semble un paradoxe (on crie aux dangers des aliments trafiqués et transformés) quand des aliments en sont naturellement bien pourvus.

A ceux qui me disent qu’ils compensent le calcium du lait en mangeant des amandes, je réponds qu’il faudrait 350 g d’amandes (quantité nécessaire pour apporter les 900 mg de calcium dont on a besoin quotidiennement) apportant 2200 calories, pour pouvoir atteindre les besoins calciques quotidiens. Soit un apport calorique supérieurs aux besoins journaliers d’une femme de 30 ans, rien qu’avec les amandes...

- Compenser les vitamines A et D des produits laitiers : pas de panique de ce côté là, vous les trouvez aussi dans le beurre et les poissons gras.

Pour conclure, une fois de plus, si je ne diabolise pas les produits laitiers, je ne les portes pas, aveuglément, aux nues non plus.
Pour avoir une alimentation équilibrée, un poids stable et une bonne santé : mangez de tout en quantité raisonnable et variez au maximum vos menus.

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